Dans une décision rendue, le 1er août 2024, le Conseil de prud’hommes de Paris valide le licenciement pour faute grave d’une salariée qui avait télétravaillé depuis l’étranger sans l’accord préalable de son employeur. Le Télétravail depuis l’étranger : Peut-il constituer une faute grave ?
Il convient d’être prudent, puisqu’il s’agit simplement d’une décision de premier degrés mais celle-ci illustre une pratique actuelle répandue dans les entreprises.
Télétravail au Canada sans accord de l’employeur
Dans cette affaire, une salariée embauchée en CDI en mai 2019 en qualité d’analyste flux et conformité obtient, à l’issue de ses congés payés d’été 2020 passés au Canada, l’accord de son employeur pour télétravailler provisoirement depuis ce pays dans l’attente d’un nouveau vol retour, son vol initial ayant été annulé.
Invoquant ensuite, une situation financière difficile, la salariée demande à poursuivre son contrat de travail, toujours en télétravail, depuis le Canada jusqu’à la mi-février 2021.
Malgré l’absence de réponse favorable de la part de l’employeur, la salariée continue à télétravailler depuis le Canada.
Interrogée par son supérieur hiérarchique en mars 2021 sur son activité réduite en matinée, la salariée l’informe finalement qu’elle se trouve au Canada et demande à télétravailler en horaires décalés depuis ce pays. L’employeur refuse et lui demande de se présenter sur son lieu de travail une dizaine de jours plus tard, ce qu’elle ne fait pas. Elle est licenciée pour faute grave et conteste son licenciement en justice.
Le Conseil de prud’hommes de Paris donne raison à l’employeur et retient la faute grave de la salariée.
Il s’appuie sur des arguments de deux ordres :
- en premier lieu, il s’appuie sur les risques encourus par la société du fait de l’activité de la salariée sur le territoire canadien : les juges du fond relèvent en effet que cette activité s’exerçait sans aucune autorisation des autorités canadiennes et en violation des règles sur le règlement général sur la protection des données (RGPD) ;
- en second lieu, il relève un certain nombre de faits qui constituent, de la part de la salariée, une violation des obligations résultant de son contrat de travail : le fait de ne pas avoir recueilli l’accord préalable de son employeur pour télétravailler depuis le Canada, d’avoir adopté une attitude déloyale en lui dissimulant ce télétravail depuis ce pays et de ne pas avoir repris son poste en présentiel malgré une mise en demeure en ce sens.
Le télétravail à l’étranger peut comporter des risques
Le conseil de prud’hommes ne l’évoque pas dans sa décision, mais il pourrait aussi y avoir d’autres risques de télétravail à l’étranger, notamment en matière de sécurité sociale (règles d’affiliation, difficultés en cas d’accident du travail, etc.).
A ce jour aucun texte ne règlemente expressément le télétravail à l’étranger.
Il est cependant vivement conseillé aux entreprises de règlementer le télétravail à l’étranger dans le cadre de la charte télétravail ou l’accord télétravail en autorisant ou non de télétravail depuis l’étranger, ou en le limitant à une certaine période dans l’année.